Évasion à la prison civile de Conakry : de la nécessité d’informer de l’existence du «journalisme participatif»

Photo du dispositif sécuritaire placé au pont 8 novembre, pour bloquer les accès à Kaloum,
après l’évasion à la prison centrale de Conakry le 4 novembre 2023.

A l’aube de ce samedi 4 novembre 2023, une évasion de quatre prisonniers de renom a eu lieu à la Maison d’arrêt de Conakry, située à Kaloum, le centre administratif de la capitale guinéenne. Selon les autorités guinéennes, c’est un commando lourdement armé qui a attaqué la prison et a réussi à faire évader le capitaine Moussa Dadis Camara ainsi que les colonels Moussa Tiegboro Camara, Blaise Gomou et Claude Pivi. Ce dernier est toujours en cavale au moment de la rédaction de cet article. Tandis que les trois autres, arrêtés dans la journée même ont été reconduits en prison. Ils sont tous des commanditaires présumés du massacre du 28 septembre 2009, qui avait causé plus de 156 morts et plusieurs femmes violées et dont le procès est en cours depuis le 28 septembre 2022. Telle une traînée de poudre, la nouvelle prend une viralité sur les réseaux sociaux en Guinée, notamment Facebook et (X anciennement Twitter). Parmi les publications et commentaires sur cette évasion, le comité d’analyse et de rédaction du projet IMPACT a repéré un type de contenus qui a particulièrement retenu son attention. Il s’agit de celui des internautes qui estiment que les journalistes ou plateformes médiatiques ne devraient pas interroger des internautes via des posts sur les événements alors en cours à Kaloum. Dans ce travail, nous analysons le fait tout en éclairant sur l’existence et la nécessité du journalisme participatif.

Contexte

La presqu’île de Kaloum qui abrite la maison carcérale attaquée ne dispose que d’une seule principale entrée et sortie qui est l’échangeur Moussoudougou, plus connu sous le nom de « pont 8 novembre ». Après les tirs nourris à la suite de l’assaut du commando, l’accès  a été bloqué par les militaires en poste, empêchant ainsi tout mouvement d’entrée et de sortie. Citoyens et journalistes se voient alors interdits d’accès durant toute la matinée. La majorité des médias dans la capitale guinéenne étant implantée hors de Kaloum, ce blocus avait compliqué le travail de terrain des journalistes. Dans ce contexte, ils ne pouvaient quasiment pas être en contact direct avec des sources d’information que peuvent être des témoins oculaires de l’opération ou des voisins de la prison. C’est alors que certains journalistes, dans le souci de se renseigner pour mieux informer, ont posé des questions sur internet, comme le recommande le journalisme participatif dans certains cas.

La fougue mal placée de certains internautes 

Face aux interrogations de ces journalistes sur les réseaux sociaux, certains internautes attisent. Surfant sur de l’ironie pour visiblement inciter leur réseau à se braquer contre les journalistes, ces internautes ont jugé anormal le fait que des hommes de média soient passés par des posts sur leurs comptes personnels ou professionnels pour tenter de collecter des informations. Pour eux, ce sont les journalistes qui doivent informer la population et jamais l’inverse. 

L’erreur de jugement de ces internautes…  

Affirmer que le journaliste ne doit pas s’informer auprès du grand public dont les réseaux sociaux est une méconnaissance ou une erreur de la part de son auteur. Tout de même, il convient de reconnaître que le professionnel de l’information a la responsabilité de ne pas se limiter à ces réponses qui peuvent ne pas être complètes ou parfois erronées. Il lui revient de les vérifier avant de les partager.

Comprendre le « crowdsourcing » ou journalisme participatif

Le journaliste est avant tout un humain. Ce faisant, dans certains évènements notamment les périodes de crises ou dans d’autres situations comme les enquêtes journalistiques, il peut avoir des difficultés ou même d’impossibilité d’accéder à des sources d’information.  Dans une telle situation, un appel à contribution citoyenne à l’endroit du grand public peut bien lui permettre d’avancer dans son travail.

« Le journaliste ne crée pas l’information mais il l’a collecte auprès de ses sources. Une partie des sources de l’information est le public », explique Alpha Diallo, datajournaliste et président de l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI).

Ceci confirme que cette technique utilisée par des journalistes guinéens pour récolter des témoignages sur l’évasion à la Maison centrale de Conakry est bien professionnelle. 

C’est une technique mondialement reconnue et elle permet au journaliste de faire appel à ses lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs pour mener des enquêtes, en sollicitant la participation du grand public pour s’informer d’une situation donnée. Ça s’appelle le « crowdsourcing » ou le « journalisme participatif ».

Cette pratique a longtemps existait même si c’est avec l’émergence d’internet, des réseaux sociaux et des outils numériques qu’elle s’est amplifiée. 

Par ailleurs, le journalisme d’investigation est enseigné dans certains programmes de formation à l’université, notamment en journalisme, en communication ou encore en marketing. 

Conclusion 

Vu qu’avec l’internet et les réseaux sociaux le contact virtuel entre les professionnels de l’information et les auditeurs, téléspectateurs et lecteurs est permanent, en Guinée comme ailleurs, nous recommandons aux deux parties de collaborer et d’œuvrer tous en faveur d’une information saine.

Aux citoyens de comprendre que le journalisme n’est pas un métier toujours aisé et aux journalistes d’intégrer dans leur pratique quotidienne des éléments pour éclairer les consommateurs de leurs informations sur leurs techniques et moyens de travail.