Recrutement à la Fonction publique guinéenne : des imprécisions du ministère causent du désordre informationnel

Dans un communiqué rendu public, le 20 octobre 2023, le ministère du Travail et de la Fonction Publique a annoncé le recrutement de nouveaux fonctionnaires dans l’administration publique guinéenne. Cette annonce a suscité de nombreuses réactions au sein de l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux. Des préoccupations et de la désinformation ont émergé, principalement sur le point des frais d’inscription fixés à 100 000 GNF que chaque candidat doit verser pour le traitement de son dossier. Il en est de même pour le nombre de pièces à fournir et la crédibilité du concours.

Selon les autorités nationales, l’annonce fait suite aux opérations d’assainissement du fichier de la fonction publique menées par l’actuelle junte militaire au pouvoir, le Conseil National pour Rassemblement et le Développement, CNRD. Le recrutement aux postes de la fonction publique se déroulera à travers un concours programmé à la fin du mois de novembre 2023.

Dans le premier communiqué annonçant ledit concours de recrutement d’agents pour la fonction publique, session 2023, le ministre Julien Yombouno est resté peu précis quant à la date exacte de la compétition. De plus, les exigences documentaires étaient nombreuses, avec neuf pièces en particulier demandées aux candidats.

Contrairement aux précédents concours d’accès à la fonction publique, où les candidats déposaient physiquement leurs dossiers de candidature aux endroits indiqués, cette fois-ci, le dépôt des dossiers se fait exclusivement en ligne. Toutefois, assure une source proche du dossier que notre équipe a contacté, l’examen se tiendra sur deux jours dans les chefs-lieux des régions administratives du pays.

Face aux critiques, le ministre Julien Yombouno a fait marche arrière…

Si certains estimaient que le nombre de pièces à fournir était « important”, d’autres dénonçaient la «complexité » de la procédure. En réponse au mécontentement qui a suivi cette annonce, le ministre du Travail et de la Fonction Publique a publié un autre communiqué, le 24 octobre, précisant le début et la fin de la période de dépôt des dossiers, les dates des épreuves pour les candidats, ainsi que la réduction du nombre de pièces à fournir.

Dans le même contexte, le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, a émis un communiqué concernant les prix des documents administratifs au niveau des tribunaux et des justices de paix du pays. Désormais, le casier judiciaire coûte 50 000 GNF et le certificat de nationalité 50 000 GNF également.

Les 100 000 GNF non remboursables pour le traitement du dossier constituent-ils une arnaque des candidats de la part de l’État ?

Dans le communiqué du ministère du Travail et de la Fonction Publique, il est précisé aussi que chaque candidat, en déposant son dossier de candidature, doit l’accompagner d’un paiement de 100 000 GNF non remboursables pour son traitement. Ce montant a été perçu par certains citoyens, que nous avons interrogés, comme une  »arnaque de la part de l’État envers ses concitoyens ».

Une situation qui trouve son écho auprès de nombreux Guinéens, compte tenu de la conjoncture économique « difficile » qui frappe actuellement le pays.

Lors du débriefing du Conseil des Ministres, auquel un de nos reporters a participé, le vendredi 27 octobre 2023, Ousmane Gaoual Diallo, ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique, qui est également le porte-parole du gouvernement, a apporté des précisions concernant ce montant demandé. Selon lui, le mot  »arnaque » n’est pas un vocabulaire approprié. «L’arnaque implique une manipulation frauduleuse visant à subtiliser quelque chose. L’arnaque équivaut à du vol, c’est une infraction. Lorsque le gouvernement communique, il le fait en conformité avec la loi. Le ministre de la Fonction Publique n’agit pas arbitrairement. Ce n’est pas au Premier Ministre de décider si le montant est de 100 000 ou 50 000 GNF. Il agit en fonction de la loi en vigueur. Cette loi est votre loi. Il est donc nécessaire de consulter la loi pour comprendre pourquoi ce montant est requis. Il est explicitement indiqué qu’il s’agit de frais non remboursables. Affirmer que c’est une arnaque n’est pas approprié. Lorsque vous demandez un visa, vous vous rendez dans les ambassades et vous payez des frais. Cela signifie-t-il que les ambassades vous arnaquent ? Les services publics, y compris l’organisation de concours, impliquent des coûts. L’État prend en charge certains aspects, mais il y a des frais que l’État ne peut pas couvrir», a-t-il expliqué.

M. Diallo a ajouté également que l’argent est l’un des critères permettant d’« évaluer la qualité de ceux qui postulent. Sans l’inclusion de critères discriminants tels que l’argent, le diplôme, la santé, et bien d’autres, il serait difficile d’organiser un concours. Ces critères sont également conçus pour motiver et renforcer la détermination de ceux qui s’engagent à passer le concours. Il est essentiel de les encourager à bien se préparer pour réussir l’examen. Les Guinéens n’ont pas eu la possibilité de participer à des concours d’accès à la fonction publique depuis longtemps. L’organisation de ces concours devrait être une source de réjouissance, car elle offre à de nombreux jeunes leur première opportunité d’emploi en tant qu’agents de l’État. Cela revêt une grande importance, et les frais engagés sont relativement abordables.»

Un concours organisé, dont les résultats restent inconnus après plusieurs années…

Les 21 et 22 novembre 2019, le gouvernement guinéen de l’époque avait organisé un concours de recrutement de 1 500 agents pour la fonction publique, au profit du ministère de l’Environnement, des Eaux et des Forêts (ancienne appellation du département actuel de l’Environnement et du Développement Durable). Plus de 28 000 candidats avaient participé à ce concours.

Facinet Diawara fait partie de ces candidats. Dans le cadre de la rédaction de cet article, on l’a interrogé. «Je fais partie des milliers de candidats qui ont eu le courage et la détermination de participer à ce concours d’intégration à la fonction publique pour la session 2019-2020. Il est difficile de souligner les difficultés auxquelles nous avons été confrontés tout au long du processus du concours proprement dit d’intégration à la fonction publique, pour le compte du ministère de l’Environnement», nous a-t-il confié, tout en précisant n’avoir jamais reçu les résultats du concours auquel il avait pris part. «Ce concours a été officiellement lancé, nous avons rassemblé tout ce qui était nécessaire pour le concours, mais jusqu’à présent, les résultats n’ont pas été publiés. Ce que nous avons du mal à comprendre, c’est que l’État est une continuité, cependant, à chaque changement de régime, il semble que l’on rejette en bloc ou que l’on égare le travail accompli par les prédécesseurs»,regrette-t-il. Il poursuit en expliquant : «Nous pouvons comprendre que le régime précédent n’ait peut-être pas été disposé à publier les résultats, mais nous supposons qu’avec l’arrivée au pouvoir le 5 septembre 2021 du régime militaire, dirigé par le Colonel Mamadi Doumbouya, la première étape aurait dû être d’examiner sérieusement ce dossier avant d’annoncer de nouveaux recrutements. Avec ce nouveau concours, il semble que le concours de 2019 être complètement oublié», nous a-t-il confié.

Un collectif de candidats n’ayant pas reçu les résultats dudit concours

Ces candidats à ce concours ont créé un collectif pour obtenir la publication des résultats. Selon notre interlocuteur, de nombreuses actions ont été entreprises, mais en vain. Des sit-in, des manifestations, des conférences de presse, ainsi que des négociations n’ont pas encore abouti à la publication des résultats. «Nous continuons à réclamer la publication de ces résultats», insiste Facinet Diawara, l’un des 28 000 candidats à ce concours organisé il y a près de cinq ans. Il précise en outre que chaque candidat avait versé 50 000 francs guinéens, comme frais de participation, lors du dépôt de sa candidature avant de passer le concours. 

Conclusion

Il faut préciser que les imprécisions du ministère du Travail et de la Fonction Publique sur la date exacte du concours et la nouveauté qui consiste à postuler en ligne ont contribué à catalyser les préoccupations des internautes et candidats au recrutement tout en favorisant la désinformation sur le sujet.

Et parce que les sources d’informations officielles manquent parfois de clarté, des internautes ont saisi l’opportunité pour créer plus de désordre informationnel.

Dans ce cas de figure, il est important que les candidats au concours poussent le ministère à être plus précis dans sa communication.